LES NUITS DE LA CITADELLE,
UNE LONGUE HISTOIRE

Une histoire qui commence en 1928, quand Marcel Provence, artiste, poète (il sera chorège d’Orange), choisit Sisteron pour sa « IIIe Saison d’art alpin ». Digne avait accueilli la première, Moustiers la seconde, Sisteron accueillera la troisième. Un théâtre de verdure sera créé. Il s’inscrira dans l’étagement des bastions de la face nord de la Citadelle, avec en toile de fond l’imposant rempart des Comtes de Provence. Une idée de génie !

Associé à Antoine Balpétré, grand nom du Théâtre Français, il présente Le Cid. Balpétré utilise les enceintes successives comme autant de scènes permettant au spectacle de se déployer dans l’espace. Et c’est une foule étonnée, éblouie, qui applaudit les acteurs de la Comédie Française, Jeanne Delvair, Louis Seigner, Madeleine Duret, déclamant les vers de Corneille, dans un déferlement de costumes et de figurants. Le festival est né. Il est le premier de la région avec celui d’Orange, et l’un des premiers de France.

Carmen, 1938

Douze années durant, les chefs-d’oeuvre se succèdent, au rythme de deux spectacles par an, donnés au creux de chaudes après-midi d’été. En 1930, Albert Lambert, gloire de la Comédie Française, triomphe dans OEdipe Roi, le public est debout ! Puis viennent Britannicus, Phèdre, Hernani, Ruy Blas, Cyrano de Bergerac… En 1934, Mireille ouvre la voie au théâtre lyrique, avec un orchestre venu d’Aix en Provence ; en 1938, Ninon Vallin chante Carmen. Le succès est à son comble ; on a perfectionné le théâtre ; des gradins ont été creusés dans les talus ; des trains spéciaux amènent les spectateurs de Marseille et de Grenoble. En 1939, Jeanne Delvair est la Clytemnestre d’Iphigénie. Deux mois plus tard la guerre éclate. On ferme le théâtre. La Citadelle devient une prison. En août 1944, la ville est bombardée. Profondément meurtrie, elle mettra des années à panser ses blessures. C’en est fini du festival, du moins le croyait-on.

Enfants dans les ruines, après le bombardement d’août 1944. Photo Paul Heyriès.

Et pourtant, en 1956, le théâtre est rouvert. Avec une opérette d’abord, Le pays du sourire, chantée par José Janson, le célèbre ténor de l’Opéra Comique ; et le dimanche 19 août, c’est Britannicus avec la grande Véra Korène, entourée de plusieurs autres sociétaires de la Comédie Française. Les soirées se succèdent, le succès se confirme et, en 1960, une association se crée. Elle prend le nom d’ATM (Arts, Théâtre, Monuments) et se donne pour vocation :
– la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine monumental et artistique de Sisteron, en particulier la Citadelle, très endommagée par la guerre, dont la restauration et la gestion lui sont confiées par la Commune dans le cadre d’une convention,
– l’organisation du festival, devenu les « Nuits de la Citadelle ».
Une équipe de dix hommes, dix bénévoles, dévoués et passionnés, réunis autour de Pierre Colomb, cheville ouvrière et âme de cette entreprise, va mener à bien tout à la fois l’admirable restauration de la Citadelle, aujourd’hui l’un des monuments les plus visités de la Région Provence Alpes Côte d’Azur, et porter le Festival au niveau des plus grands…

Jeanne Delvair, 1931
Jean Giono félicitant Jean
Deschamps et Daniel Sorano, 1959
Edwige Feuillère dans Phèdre,
1962.

Edwige Feuillère, Maria Casarès, Jean Deschamps, Daniel Sorano… Il n’est pas un acteur qui n’ait exprimé son bonheur de jouer dans un tel lieu. En 1974, la danse y fait son entrée, après une brève incursion dans le magnifique parc du château de la Cazette, et, un peu plus tard, la « grande » musique, à son tour, investit les scènes. Qui a oublié le Requiem de Verdi et ses 250 exécutants ou la merveilleuse Barbara Hendricks chantant Mozart ou Gershwin ?

Georges Cziffra en répétition
au Cloître St-Dominique, 1980
Marie-Claude Pietragalla
et Nicolas Leriche,
Étoiles de l’Opéra de Paris, 1995
Barbara Hendricks,
Hommage à Georges Gershwin,
2002

Une diversification qui s’est opérée aussi hors les murs de la Citadelle, mais toujours en relation étroite avec les monuments historiques de Sisteron et leur sauvegarde. En 1961 déjà, le cloître Saint-Dominique avait accueilli la musique de chambre. Enfin, pour parfaire cette diversification, la musique sacrée a pris tout naturellement place sous les voûtes de la Cathédrale Notre-Dame des Pommiers, chef d’oeuvre d’art roman. Aujourd’hui les Nuits de la Citadelle sont fières de cette diversité, fruit de la longue et belle histoire qui les a vues naître et grandir. La Citadelle, Saint-Dominique, la Cathédrale ont accueilli les plus grands noms du théâtre, de la musique, de la danse. Des moments privilégiés de bonheur que nous souhaitons partager avec vous longtemps encore…

Édith Robert